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Les coulisses des négociations PS-PTB

Les coulisses des négociations PS-PTB

Le PS a donc choisi l’alliance avec le MR. Ce ne sera donc même pas une alliance PS-Ecolo-cdH-Défi qui était pourtant possible. Comme à Verviers, comme à Binche, comme en Province de Liège… s'allier avec le MR fait partie de la stratégie d'ensemble du Boulevard de l'Empereur (siège du PS). Les négociations PS-PTB-Ecolo étaient-elles une mascarade organisée ? Les négociateurs du PTB reviennent sur les coulisses de ces discussions...

 

Dès le début, le PS met la pression pour aller très vite. Lorsque le PTB répond à l'invitation de Catherine Moureaux en disant que nous voulons du temps pour élaborer ensemble un projet solide pour les Molenbeekois, celle-ci prétend à la télévision que « le PTB préfère faire la fête... ». Dès le début, Laurette Onkelinx (patronne du PS en Région bruxelloise) se montre très hostile à une alliance PS-PTB. Paul Magnette affirme lui à la télévision qu'il veut donner une leçon de pédagogie politique en discutant avec le PTB. En clair : le but n'est pas de faire une alliance, mais de tenter de démontrer que le PTB ne veut pas négocier.

Dès la réunion du lundi soir 15 octobre, le PS molenbeekois veut imposer un accord pour la fin de la réunion « car la presse attend une réponse ». La base de cet accord ? Le PS avait déposé une page A4 sur la table avec quelques propositions assez vagues, comme par exemple « construire et rénover davantage de logements publics ». Le PTB refuse cette façon de négocier et défend dès le départ qu'il faut du temps pour faire un bon accord, avec des objectifs ambitieux mais concrets pour les six prochaines années. Deux heures et une page A4, ça ne suffit pas. La population molenbeekoise fait face à des défis énormes, les besoins sociaux sont grandissants dans cette commune et les loyers ont explosé de 61 % en 11 ans. Le PTB veut donc prendre un peu plus de temps pour réaliser un accord de majorité qui réponde à ces défis.

Lors de la réunion suivante, le 22 octobre (qui dure six heures), le PTB dépose des propositions concrètes sur le logement, l'enseignement, la santé, etc. (voir la note ici. Nous y avons simplement rajouté des notes de bas de page et le tableau budgétaire à la fin). Le PS répond aux propositions concrètes du PTB « oui, mais non ce n'est pas possible... ». Le PTB veut une politique de rupture sociale et écologique. Mais il est clair que le PS n'en veut pas. Un « oui mais non ce n'est pas possible » est surtout une façon de dire « non ». Quelques exemples  :

• La demande que la moitié des 800 nouveaux logements sur le terrain vide à la Gare d'Ouest soient des logements sociaux ? « Il y a déjà trop de logements sociaux dans ce quartier ».
• Rendre les garderies gratuites matin, midi et après l'école ? « Impayable »
• Un kit de rentrée pour les élèves des écoles molenbeekoises (comme cela existe à Anderlecht) ? « Pas possible, ça coûte trop cher »
• Transparence/publicité des rémunérations privées et du patrimoine des élus politiques ? « Je suis d'accord avec l'idée, mais ça ne passera pas pour mes gens »

 

Le départ d'Ecolo change la donne

Ecolo annonce son retrait le 23 octobre au soir. Le PTB et Ecolo ont dit lors de la réunion du lundi 22 octobre – qui a duré plus de 6 heures donc – qu'ils avaient des sérieuses questions sur des pratiques clientélistes passées de certains élus. Des garanties étaient demandées contre les conflits d'intérêt et pour éviter le retour des vieilles pratiques de clientélisme. Le PS n'a pas accepté ça. Mais cela n'empêche pas Catherine Moureaux de prétendre dans la presse que « nous étions tombés d’accord sur un paquet de mesures très importantes en matière de gouvernance, sans équivalent ailleurs », ce qui n'était en réalité pas le cas !

Ensuite, le PS réclamait la majorité absolue au collège (donc au moins 5 échevins sur 9). Ce qui créait un déséquilibre et leur donnait dans les faits le pouvoir de tout forcer, ou de bloquer toutes les propositions d'Ecolo et du PTB. Avec le départ d'Ecolo, ce déséquilibre devenait encore plus grand. La chance que le PTB puisse faire passer des points importants de son programme était devenue minimale. D'autant que lors des négociations, le PTB en avait déjà eu l'expérience. Presque chaque fois que le PTB déposait une proposition sur la table qui allait plus loin que le programme PS-sp.a, ça se compliquait.

Cerise sur le gâteau : pour Catherine Moureaux, si Ecolo est parti… c'est parce qu'il ne voulait pas du PTB. Plutôt que de se remettre en cause, elle choisit d'opposer de potentiels partenaires.

 

Le PS avait préparé une stratégie de communication

Après avoir mis tous ces éléments dans la balance, le PTB-Molenbeek estime le mercredi 24 octobre au soir qu'il n'y a pas de réelle volonté du PS de rompre avec les politiques du passé. Les conditions ne sont pas réunies pour pouvoir imposer un vrai changement dans un collège à majorité absolue PS. Déçu, le PTB ne veut néanmoins pas trahir ses électeurs. Des échevins PTB qui appliquent simplement les politiques du passé, sans rien changer, seraient – à raison – une déception énorme pour les membres et l'électorat du PTB pour les six prochaines années.

Le PTB choisit de communiquer cette décision en personne aux négociateurs du PS, jeudi 25 octobre, à 14h. Pas de façon violente comme certains l’ont prétendu. Pas via un SMS, un tweet, ou un communiqué de presse. Non. En allant communiquer la décision jeudi 25 octobre directement à Catherine Moureaux et Jef Van Damme, les deux néociateurs principaux de la liste PS-sp.a.

Quelques dizaines de minutes plus tard, le PS choisit la contre-attaque avec une campagne sur les réseaux sociaux pour accuser le PTB de ne pas vouloir négocier. Une vidéo qui montre un ballon qui se dégonfle est déjà prête. Des visuels accusent le PTB de vouloir taxer les habitants jusqu'à 2 000 euros en plus. Alors que les propositions visent justement à faire contribuer les grandes entreprises présentes sur le sol molenbeekois : KBC, Delhaize, les antennes GSM des multinationales Proximus, Orange et Base…

Le lendemain, le PS poursuit son offensive contre le PTB Molenbeek et le PTB Charleroi en envoyant un communiqué de presse pour dire que « le PS considère que les citoyens sont suffisamment taxés. Par ailleurs, lors des négociations, le PTB n’a présenté aucune piste alternative de financement crédible. » Gros mensonge, car le PTB avait chiffré ses propositions et avait prévu des rentrées supplémentaires qui visent les grandes entreprises.

 

De « l'amour » à la haine : la stratégie de communication violente du PS

Le ton a changé. Catherine Moureaux passe ensuite trois jours dans les médias, sur tous les plateaux télé et radio à critiquer violemment le PTB. Le PTB prônerait la « déstabilisation » (dans L’Écho). Olivier Chastel (président du MR) trouve que le PTB est « dangereux » ? Catherine Moureaux se dit d'accord avec ça (sur la télévision locale bruxelloise BX1). Le PTB « manipulerait » aussi les Molenbeekois.  La violence des propos étonne. D’autant qu’ils émanent de celle qui, il y a peu, prétendait vouloir la majorité la plus progressiste possible…

Et lorsqu'on lui demande s'il n'y a pas de stratégie de communication coordonnée du PS contre le PTB, elle va jusqu'à prétendre (sur RTL-TVI) qu'elle n'aurait pas vu les visuels et la vidéo du PS. Ce n'est pas crédible. On sait que Catherine Moureaux et Paul Magnette étaient en contact. La note de négociation du PTB Molenbeek a été transmise immédiatement à Paul Magnette et était sur la table des négociations à Charleroi, comme l'a révélé La Libre Belgique ce samedi 27 octobre. Catherine Moureaux a posé les mêmes questions au PTB à Molenbeek que Paul Magnette à Charleroi.

La vitesse de la diffusion des visuels du PS, la violence du ton du PS vis-à-vis du PTB, la vitesse avec laquelle l’accord avec le MR a été conclu (une demi-journée, répartition de postes comprise)… Tous ces éléments prouvent que le PS ne voulait pas discuter avec le PTB mais avait au contraire un seul objectif : transférer la responsabilité d'un accord avec le MR sur le PTB. C'est la grande « leçon de pédagogie politique » dont parlait Paul Magnette à la télévision le soir du 14 octobre.

 

Quel plan pour l'avenir ?

Quelques heures avant l’officialisation de l'accord PS-MR, Catherine Moureaux ouvrait encore la porte à Ecolo, au cdH et à Défi. Elle n'a même pas donné une chance à cette option, malgré le fait qu'Ecolo avait accepté de renégocier. Tout cela pour vite s'allier avec la droite.

Plutôt que de faire des compromis avec sa gauche, Catherine Moureaux choisit de faire des compromis avec la droite. La réalité est que deux semaines après les élections, le PS a conclu un accord dans lequel aucune proposition ambitieuse ne se dégage sur les défis sociaux de Molenbeek. Les postes sont répartis, mais pour l'ambition sociale du PS et du MR, nous pouvons être inquiets. Par exemple, en matière de logement, le flou règne : pour le PS, la constrcution de logements sociaux dépendra des finances communales alors que pour le MR, on ne parle que de la rénovation du parc de logements existants. Il est clair aujourd'hui qu'en aucun cas le PS ne voulait une réelle rupture avec les politiques sociales-libérales menées jusqu'à maintenant. Au contraire, le PTB a déposé huit pages avec des propositions de financements. Mais c'est le PS qui accuse le PTB d'un manque de sérieux dans les négociations ?

« Le PTB prend-il ses responsabilités ? » entend-on souvent… Oui, il le fait tous les jours et continuera à le faire. En sensibilisant largement, en organisant et en mobilisant la population. Loin de ces petits jeux politiciens, le PTB continuera à grandir pour faire bouger les lignes et secouer cette majorité sociale-libérale.

Les propositions que le PTB a déposées durant ces négociations seront une feuille de route pour les années à venir. Une feuille de route pour mener des luttes avec les habitants et obtenir des victoires : un kit de rentrée pour les élèves, le retour des garderies gratuites, 20 enseignants supplémentaires pour réaliser des cours de remédiation gratuits, ou encore la construction de 1 000 logements sociaux d'ici 2024. Les changements que le PS n'a pas voulu accepter, dans ces négociations, le PTB se mobilisera pour les arracher en mobilisant la population. Le PTB lancera des actions et soutiendra toutes les initiatives qui vont dans ce sens. Car s'il y a bien un élément dont les électeurs du PTB peuvent être sûrs, c'est qu'ils ont choisi un programme de rupture sociale et écologique, et que le PTB compte bien mettre tout en œuvre pour y arriver.

 

Dirk De Block, Hind Addi & Michael Verbauwhede, négociateurs pour le PTB